La mort lente du cyclotourisme


Ce n’est pas de gaité de cœur que je l’annonce: le cyclotourisme est mort.

On s’en doutait. Sans le dire.

Mais personne ne veut signer l’acte de décès.

Surtout pas la fédé investie d’une mission d’intérêt public.

Comment un militant plein de ferveur peut-il colporter une si terrible nouvelle?

Il suffit pour s’en convaincre de consulter les indicateurs.

Ce type de pratique cycliste associant vélo et tourisme n’a jamais aussi peu attiré dans les clubs.

Le mal n’était pas nouveau, mais on l’a caché pendant longtemps.

Depuis des lustres, les clubs constatant la désaffection de leurs membres se sont résolus à tourner casaques et à faire contre mauvaise fortune bon cœur.

Pour garder dans leurs rangs des effectifs constants, on a donc fermé les yeux sur les pratiques associant vélos de course et tenues publicitaires.

Dans l’esprit des non-initiés, un cyclotouriste c’est tout simplement un cycliste qui joue au coureur…et rien d’autre.

Soit!

Aujourd’hui, la plupart des clubs se bornent à la sortie dominicale la tête dans le guidon.

C’est à ce prix seulement qu’on maintient un embryon de quadras dans les rangs.

En 2013, sur 118000 membres, la FFCT compte seulement 9000 moins de 25 ans (8%).

La FFCT est une des dernières fédérations sportives en terme d’effectifs féminins avec un taux de 17%, loin derrière l’équitation 81%, la gymnastique (78%) ou la randonnée pédestre (61%) (source). C’est dire si le cyclotourisme véhicule une image machiste…contrairement à d’autres sports.

Pour le reste, on le sait, l’âge moyen des adhérents voisine au-delà de 60 ans.

Autrement dit, le cyclotourisme recrute d’abord dans les bataillons de jeunes retraités.

Jean-Michel Bouillerot, président de la commission VTT, le révélait dans l’édito de juillet-août 2011 de Cyclotourisme, le magazine de la fédération et en faisait le cruel constat: dans « les statistiques des années 70-80…la tranche d’âge la plus représentée était celle des 30-35 ans,… 30 ans après, ce sont les mêmes cyclos…qui ont avancé en âge et on ne perçoit plus d’adhésion forte dans les tranches d’âge plus jeunes »

En d’autres termes, la FFCT a vécu sur ses acquis pendant 30 ans.

Les efforts pour recruter dans les tranches d’âges jeunes n’ont pas apporté leurs fruits en dépit des efforts pour mobiliser.

Alors même que les questions de pollution atmosphérique et de sédentarité sont devenues cruciales pour nos sociétés, la FFCT avait un grand boulevard devant elle pour promouvoir le vélo.

Elle a manqué ce rendez-vous.

En ville avec le tourisme urbain et sur route, elle n’a jamais pris de positions constructives et contradictoires à l’égard des réglementations et des infrastructures défavorables au vélo.

A titre d’exemple, voici comment un grand club a vu ses effectifs évoluer en âge depuis 1987….jusqu’en 2005.

A partir de 2005, bizarrement,  il n’y a plus eu de publication; on comprend pourquoi: aujourd’hui ce club n’a plus que des quinquagénaires (et plus) dans ses rangs.

En 2014, les plus de 60 ans représentent plus d’un cyclotouriste sur deux…en 1987, un sur 10

Pourtant depuis 1987, on voyait venir le mouvement.

Faut-il parler d’échec?

Si le cyclotourisme ne recrute plus aujourd’hui, on continue de faire du vélo.

Hors clubs.

C’est plutôt le vélo individuel qui attire et les référents aujourd’hui, ce sont les compétiteurs et leur image qui servent de modèle.

10 réflexions sur « La mort lente du cyclotourisme »

  1. Que propose la FFCT. -des diagonales – des brevets montagnards – paris-brest-paris – des brevets permanents souvent trop longs aautrment dit rien pour MADAME ou Monsieur tout le monde.

    Surtout n’allez pas au rendez vous d’un club. Serez acceuillit comme un Ovni avec votre vélo. Des le départ de la « promenade » vous serez larguer impitoyablement.

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  2. Si à une époque la FFCT a loupé l’éclosion du VTT il ne faut pas lui imputer systématiquement la faute. Ce sont les clubs qui ont fait leur mal, pas tous bien sûr mais hélas une grande majorité.
    depuis 4 ans la Fédération à mis en place une action permettant de faire venir ces pratiquants OVNI,seulement 0,3% des clubs l’on mise en œuvre et cela à marché.
    A l’inverse d’autres fédérations, la FFCT « recommande » mais « n’impose pas » Si les plus jeunes ne viennent pas dans les clubs, c’est que les anciens, qui ont vieillis, ne veulent plus se donner la peine d’accueillir ces nouveaux, qui n’ont pas la même vue qu’eux de la pratique du cyclotourisme. En un mot ils ne veulent pas se remettre en question et c’est là qu’il faut chercher le mal.

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    1. On est d’accord.
      Je connais un peu la pratique vététiste: bien peu acceptent les contraintes inhérentes à la vie d’un club.
      Il reste que depuis trente ans, notre modèle a vieilli…avec nous.

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  3. ANECDOTE – Responsable d’une rando-pedestre, une dame butte sur un caillou et tombe, arcade ouverte. Nous la transportons aux urgences (2 points de suture) Nous appelons sa fille. La dame vient voir sa mere mais avant de venir à l’hopital dépose une main courante à la gendarmerie. Depuis à pied à vélo je voyage en solitaire.

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  4. Il est possible que le cyclotourisme organisé, cadré, codifié… soit en train de mourir mais le tourisme à vélo, lui, poursuit son chemin. Même à la FFCT (ou malgré elle, je ne sais pas). Je pense même que le tourisme à vélo se développe! J’en veux pour preuve le succès des randonnées plus… « cool »: cyclodécouvertes (R), randonnées familiales, Convention de Pré-Accueil, accueil des pratiques différentes…
    Et une fédération n’est, après tout, que le reflet de ce que sont ses membres: les clubs. Comme le dit Christain Huort ci-dessus, ce sont surtout les clubs qui font le mal. Et comme ce sont eux aussi qui élisent les responsables fédéraux.. « La boucle est bouclée » comme on dit. Au football, il y a longtemps que le foot-spectacle (ou le foot-fric comme vous voudrez) règne. Au rugby, c’est un peu la même évolution. Ne parlons pas du basket avec l’exemple américain! Ni du cyclisme (mais là, un autre mal gangrène…)
    Quant à la responsabilité individuelle ou collective, elle a de tout temps existé mais elle est exacerbée aujourd’hui par l’appel quasi automatique à la justice, au dépôt de plainte. Mais ne serait-ce pas davantage l’effet secondaire du poids des assureurs qui, dans la défense de leurs intérêts, cherchent toujours à faire payer l’autre ou à ne pas payer?
    Je suis responsable d’une école de cyclotourisme et tout se passe bien. Les enfants des parents qui déposent leurs enfants comme si c’était une garderie abandonnent bien vite, s’ils ne sont pas motivés, quand il s’agit d’apprendre à être autonome. Parce que c’est d’abord ça le cyclotourisme: utiliser un engin en autonomie pour faire autre chose: visiter, découvrir, aller ailleurs (et même au travail ou faire les courses).
    Le cyclotourisme fédéré se doit d’évoluer et vite parce que, sinon, il va rater le coche du nouveau cyclotourisme. Certains, plus commerciaux, parlent déjà de vélotourisme…!

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  5. Il est sur que dans cyclotourisme, on a cyclo comme dans cyclosportive. Je suis assez d’acoord avec Jacques, je n’ai jamais osé rouler avec un groupe de cyclotouristes, quand je vois que l’on parle d’allure moyenne de plus de vingt kilomètres/heure. à cette vitesse là, on ne peut pas visiter.
    J’ai assisté à une assemblée générale d’une fédération de cyclotouriste dernièrement, et je me suis retrouvé au milieu d’un groupe de sexagénaire et plus. Puis on a remis des récompenses pour des performances, un classement… Pour moi, il ne doit pas y avoir de compétition. Alors oui, pourquoi pas du vélotourisme. J’ai entendu parler de création d’écoles de VTT au sein de ces clubs de cyclotourisme, je ne pense pas que ce soit la solution, car cela ne fera pas avancer le cyclotourisme.
    En France, il faut rouler vite et sur la route. En Allemagne on a un genre de vélo que nous ne possédons pas, trekking comme ils disent, vélo confort permettant de voyager sur routes et chemins.
    Je fais partie d’un grand club de VTT de la région et j’ai créé une section cyclo/vélo couché.
    Chez nous, dans le groupe, on roule à 20 km/heure maximum, on visite et on s’amuse.
    Lors de notre rando annuelle, j’ai organisé un parcours VTT familial sous forme de grand jeu (auquel a participé Maxou). C’est par là qu’est la solution, des circuits ludiques à faire en famille ou entre amis, des rallyes vélos. Cet été en Allemagne, le long de la Moselle, j’ai assisté à une rando tandem sous forme de rallye photographique, les participants venaient du monde entier pour y participer.
    La bonne vitesse dans le voyage à vélo, le temps de s’arrêter pour discuter, des choses un peu perdues dans les clubs de cyclotourisme, l’année dernière, j’ai fait une sortie dans le cadre d’une animation, organisé par un club, j’étais le seul à m’arrêter quand un autre avait un problème, résultat : groupe scindé en trois car il n’y avait pas moyen de s’attendre aux croisements, on a fini à deux avec un papy, et un groupe de deux mamies s’est perdu sur une autre route. Quel joyeux bordel. A contrario, quand on roule à plusieurs couchés, on commence tôt le matin, et on est souvent les derniers le soir, mais on aura discuté, rencontré des gens, et surtout, perdu personne…
    Sinon, pour finir, quel est ce cadavre de vélo couché qui gît au sol, sur ta photo, maxou…?

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    1. Pour le « cadavre », c’est une photo d’illustration piquée sur le net.
      Toutes ces réflexions sont pertinentes.
      Ce constat explique que depuis longtemps déjà certains cyclistes roulent par affinités de gout en marge des clubs et à l’allure qui convient.
      Je crois qu’il faudra se résoudre un jour à une refondation du mouvement cycliste en identifiant mieux ce qui relève du voyage-loisir et du loisir-sportif.
      La FFCT est d’ailleurs tellement inquiète par la part prise par le cyclosportif dans ses rangs qu’elle va devoir imposer le certificat médical pour tous ces gens qui font péter les compteurs le dimanche matin avec les coronaires encrassés.
      Si on regarde ce qui passe chez « les pédestres », l’agrément médical est donné par niveau de difficultés. Je pense que la FFCT va en arriver là sinon les assureurs ne vont pas suivre.

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  6. Je suis bien d’accord avec tout ce qui est dit, mais il faut de tout pour faire un monde, et si d’anciens coureurs en mal de performances qu’ils ne peuvent plus accomplir en compét. viennent dans les clubs cyclo (au royaumes des aveugles …), ils finissent aussi par les quitter de guerre lasse quand les activités proposées ou les règles suggérées (on s’attend aux croisements, …) ne les satisfont plus; enfin, c’est ce qui s’est passé dans mon club.
    Pour le certif. médical, il en faut déjà un pour une quelconque activité dans un groupe déclaré et encadré (marche, aquagym, …); bientôt, on pourra se faire arrêter par la maréchaussée non pas pour vérification d’identité mais pour contrôler notre certif. médical !!
    En ce qui concerne la vitesse, j’ai pu constater , Maxou, que tu ne roulais pas si doucement que cela (enfin pour moi, car tout est relatif…) au moins sur le plat…même si tu nous fais découvrir plein de choses car tu sais bien observer et te documenter.
    En ce qui concerne le tourisme à vélo, il me reste 2 questions à régler : les cales sous les chaussures car les miennes ne sont pas adaptées à la marche et la sécurisation du vélo (trop peur de me le faire piquer !). Je me contente donc en général des paysages, mais comme il me faut encore de grands espaces, je ne prends pas le temps de (trop) traîner en route…

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