C’est en repos forcé que je prends mon pinceau. La chaleur me dissuade de prendre mon vélo. Je tente de brasser de l’air chez moi. A force de brasser, il fait aussi chaud à l’intérieur qu’au dehors. Demain je vais profiter d’un redoux.
Châtelain. Un titre qui devait être honorable à la condition de disposer d’un personnel corvéable à merci et de rentes confortables pour entretenir son titre.
Quelques stères de bois pour passer les hivers sinistres, une basse-cour abondante pour agrémenter dignement les dimanches festifs et quelques arpents de légumes de saison, sans oublier les salaisons opportunes.
J’ai de quoi m’occuper en délaissant le vélo, le temps d’échapper à une rhinite tenace qui me poursuit depuis bientôt huit jours. Il semble que l’âge attise les fragilités, hélas!
Je ne suis pas sûr du lieu. Mais il y a la mer et un vélo. Des vélos, je n’en peins pas souvent car c’est difficile. Et en plus il est difficile à mettre en scène dans le paysage sans ressembler trop à de la propagande commerciale.
Le vélo doit être poétique et ne rien gâcher.
Bon, j’arrête là car j’en parle mieux que je ne peins. En plus je ne suis pas dans de bonnes dispositions pour peindre, je fatigue vite et j’ai du arbitrer entre deux sujets d’avant plan: le vélo et la barque retournée qui sont des horreurs à traiter.
Avantage à mes blancs qui place l’œil en premier sur ma roue arrière.
Il parait que ça se mange, le coquelicot. Je n’ai pas essayé.
C’est magique. En 15 minutes ma pizza aux coquelicots est prête. Je plaisante. Gardez vos cartons de pizzas et entraînez-vous à peindre. C’est un support gratuit pour tous les peintres en herbe, comme moi.
La seconde vie du carton est assurée.
Pas de craindre de mal faire, d’autant que l’acrylique pardonne beaucoup.
Je donne mon carton à celui qui le veut mais sans cadre.
Le matin en me levant, j’ai devant moi Barville où je suis né et son église. Enfants, nous grimpions dans les pommiers. Depuis, les arbres sont morts et le verger a été renaturé.
Ce n’est pas un secret. Outre le vélo loisir, je peins. Modestement, sans titre ni gloire autre que ma fierté personnelle.
J’ai refait mon atelier qui était envahi de tableaux disséminés au sol, un capharnaüm où je ne pouvais plus circuler sans manquer de m’affaler.
J’ai construit deux racks de rangement comme celui-ci et je gagne de la place.
Le matin en me levant, j’ai devant moi mon église de Barville où je suis né. C’est un enchantement pour moi de me lever en étant là et là-bas au soleil levant.
J’ai replacé ma galerie au fond faite d’aquarelles de paysages d’Alsace…et j’ai mis au sol des essais de mer à l’acrylique dont je suis assez satisfait.
Des essais à l’acrylique qui me plaisent
Il faut apprendre à aimer ce que l’on fait, ce que l’on peint. Ce n’est pas simple car il faut des prédispositions conjuguées: l’envie, le goût pour le sujet, une sorte d’attachement qui vous exonère du réel et un savoir-faire jamais au top pour satisfaire son exigence.
C’est tout le contraire du professionnel, sûr de lui, de ses succès; l’amateur que je suis, nage dans une sorte d’inconnu qu’il peine à maîtriser. Je vais à hue et à dia où bon l’attirance me conduit, parfois dans des impasses.
En 2015, j’ai tenté une plage bretonne et deux barques puis je les ai abandonnées dans « leur jus ».
Les « reprendre », c’est leur donner une seconde vie, une seconde chance
Ainsi va la vie.
J’ai tenté de vendre une partie de mes peintures au profit de l’Ukraine, mais je n’ai pas abouti dans l’entreprise. Il me faudrait un tiers de confiance qui prendrait en charge les échanges financiers et me mette à l’abri des déconvenues.
Sous forme d’expo, je n’ai pas de salle publique pour m’accueillir.
Toutes les fois que je vais pisser, je contemple au-dessus de ma table de nuit ta truculente portraiture et je te dis un petit bonjour (Flaub., Corresp., 1860, p.387).
J’imagine Flaubert pissant dans son vase de nuit à la lumière de la bougie…face à son miroir.
Je n’ai jamais tenté le portrait. Sauf celui-ci.
D’abord parce que c’est difficile et ensuite parce qu’avec moi ça devient vite caricatural voire même une imposture, une tromperie de soi-même.
N’ayons pas peur des maux qui nous plongent vers l’abime!
A force de bricoler sur ce bout de carton, je me suis arrêté là.
Je n’y touche plus…que ça plaise ou pas.
Je me rends compte qu’on ne s’attaque pas facilement à ce genre d’ouvrage de pierres et de volumes. Lui donner une texture moderne loin de tout réalisme, c’est tout ce que j’ai trouvé pour ne pas mettre au feu ma peinture.
Le Mont-Saint-Michel avec son abbaye ne compte plus que 29 habitants. 1156 en 1853! C’est sûr qu’avec son défilé de touristes, il ne doit pas faire bon y vivre. A moins de rester enfermé dans une cour intérieure…
Je n’y vais pas. Depuis que la municipalité en a interdit l’approche des vélos, je passe au loin.
De toutes façons cette niche à touristes a perdu définitivement pour moi toute attirance.
En 2021, j’ai tenté de peintre sur du relief (voir ci-dessous). Mécontent du résultat, j’ai repeint par dessus. Dans mon ciel apparait à présent le relief, ce qui le rend pas beau du tout. Sur la forêt, ça ne se voit pas.
Disons que c’est pour moi une façon de réutiliser la toile. Elle va retourner au panthéon des œuvres mortes à la naissance.
Ou alors elle peut servir à décorer dans le garage.
On voit Thann et le Rangen à l’arrière plan depuis la route de Guewenheim en haut de Roderen baigné dans le soleil. J’en tenterai peut-être une nouvelle.