Anciennes digressions


 

Pratiquant le cyclotourisme depuis 25 ans de manière assidue et modeste ( 3500 km par an) au sein de la Fédération Française de Cyclotourisme (FFCT), j’ai souvent regretté que les pouvoirs publics ne s’investissent pas davantage dans le développement de pistes ou de bandes cyclables.

De son coté, ma fédération, qui regroupe 120.000 adhérents, s’implique mollement dans cette direction peut-être par crainte  que les cyclotouristes ne soient rejetés un jour sous la pression du lobbying automobile et de façon systématique vers les pistes cyclables les privant ainsi du droit d’usage de la route (routes dont la densité en France est inégalable) .

Le phénomène vététiste est d’ailleurs une préfiguration de ce qui peut arriver demain: plus de cyclistes sur les routes, les vététistes ont développé une pratique du vélo hors route moins exposée qui rend chaque jour plus légitime l’exclusivité de la route aux voitures, aux camions et aux motos.

Car ce qui déconcerte le plus l’automobiliste (que je suis par ailleurs), c’est bien le comportement du cycliste sur la route, voire sa simple présence de plus en plus incongrue.

En effet, bien que le code de la route le tolère, rouler à deux de front en vélo pour discuter avec son coéquipier(e) est devenu insupportable à l’automobiliste incapable d’imaginer que deux « types »  sur des vélos puissent le faire ralentir ou pire l’obliger à s’arrêter !

Et comment il fait l’automobiliste qui rencontre un tracteur agricole ? est-ce qu’il fonce dans la remorque de foin ?

Je ne parle pas de la dernière réglementation routière relative au dépassement des deux roues ( article R14 du code de la route) qui porte par décret 98.828 du 14.09.98 la distance de protection du cycliste de 1 mètre à 1.50 mètre lorsqu’il est dépassé car pratiquement aucun automobiliste ne respecte cette réglementation dont la presse s’est peu fait l’écho !

Pratiquement, le respect de cette nouvelle réglementation impliquerait que sur une chaussée de 6 mètres de large (cas usuels des départementales françaises) l’automobiliste ménage 0.20 m de distance de garde pour le cycliste au bord de chaussée plus 0.80 m pour le cycliste et ses bagages éventuellement plus 1.50 m de distance de protection soit au total 2.50 m et donc empiète sur l’axe médian de la chaussée pour dépasser.

Je peux vous confirmer que très rares sont les automobilistes qui respectent cette réglementation et beaucoup préfèrent nous frôler à 100 km/h lorsqu’ils croisent un véhicule venant en face plutôt que d’attendre .  

 

J’ai découvert avec bonheur que contrairement à ma région d’origine ,l’Alsace disposait de nombreuses pistes cyclables.

Malheureusement, la plupart des pistes s’avèrent impraticables soit en raison de vice de conception soit en raison d’un manque d’entretien.

Pour qu’une piste soit praticable, il faut qu’elle soit « roulante », c’est à dire qu’elle doit permettre aux vélos de rouler entre 20 et 25 km/h en agglomération (50 km/h pour les autos) sans risquer de chuter et sans arrêt obligatoire intempestif comme c’est souvent le cas au profit des autres usagers.

Faute de quoi, vous faites perdre tout intérêt et à la piste et au cycliste.

Chaque fois qu’un cycliste doit s’arrêter, comme pour une voiture, il doit consommer  de l’énergie (musculaire) en plus  pour redémarrer et reprendre sa vitesse initiale sans compter la gêne constituée par ce que nous appelons dans notre jargon «le déchaussement des cales», version moderne des cale-pieds.

Je vous propose quelques exemples :

 

Battenheim : piste cyclable récente construite dans le cadre de la rénovation de la chaussée

  • – piste slalomant entre trottoir et route: tantôt, on roule sur le trottoir et tantôt sur la route en étant obligés de franchir de nombreuses bordures fatales aux pneus de 20/26 et aux jantes de 700 mm,
  • – piste étranglée ou sans accès en sortie de pays,
  • – voitures stationnées sur la piste, portières s’ouvrant au passage des vélos
  • – panneaux de chantier obstruant le passage (pose de canalisations de gaz) en infraction avec les prescriptions de sécurité que la commune doit édicter

Baldersheim : carrefour  feux tricolores

  • – le siphon réservé aux cyclistes pour rejoindre la Harth part d’un bon sentiment mais il est peu utilisé car entouré de buissons qui masquent les cyclistes aux automobilistes tournant à droite…

 

Evidemment, la critique est facile et je ne parle pas des communes qui ne font rien ou presque comme Guebwiller qui canalise les cyclistes à l’entrée de la ville en venant du Markstein sur une succession de « stop » tous les 50 ou 100 mètres, mais je suis bien obligé de constater que certaines collectivités se donnent bonne conscience  en réalisant des ouvrages inadaptés.

Tout donne à penser qu’il n’existe pas de norme en matière de pistes cyclables et que chacun fait comme bon lui semble ! Le malheur est que nos édiles ne semblent plus faire de vélo depuis qu’ils ont quitté leurs culottes courtes ! sauf Jo Spiegel, cela va de soi.

En matière d’entretien des pistes, il apparaît que beaucoup reste à faire :

  • – en certains endroits la piste disparaît: absence de délimitation horizontale, broussailles empiétant sur la bande de roulement, engins de chantier, voitures en stationnement, panneaux ou tranchées…
  • – en d’autres endroits, la piste est devenue l’exutoire de la route: gravillons, cailloux, bouteilles de bière brisées (piste de Wittelsheim à Cernay), débris de pare brise, débris de véhicules aux carrefours, sans compter tous les animaux à poils et à plumes décimés par la route.
  • – Paradoxalement, les pistes sont non seulement moins bien «traitées» que la route mais en plus elles sont souvent de qualité médiocre: revêtement d’une moins bonne granulation que la route, mauvaise planéité, raccords mal faits, creux et bosses, regards de branchement mal jointoyés en ville, avaloir d’eaux pluviales encastrés profondément,

En conclusion, si nos élus territoriaux veulent être performants en terme de pistes cyclables, il faut qu’il raisonne non pas en km de pistes réalisées mais en taux de réussite du service rendu : en mesurant  par sondage le nombre de cyclistes utilisant les unités d’ouvrages réalisés au fil du temps et en comparant les résultats…si le taux est bas ou s’il se dégrade, c’est qu’il existe un problème !

 

J’ai bien le sentiment que ça fait beaucoup d’égards (trop ?) pour les cyclistes, mais n’est-ce pas le prix à payer par la Collectivité si l’on veut donner une place à part entière à la «  petite reine » dans notre environnement et ne pas se contenter d’ersatz qui donne bonne conscience sans toutefois répondre aux problèmes ?

 

Evidemment, mon propos n’a pas la prétention de refléter l’état d’esprit général de tous les cyclistes, je devrais dire des catégories de cyclistes, car la pratique du vélo est multiple : citadine, touristique, sportive,…mais en général le cycliste a l’œil exercé : il repère très bien les creux et les bosses de ses parcours familiers et il devrait à mon sens être davantage écouté par les décideurs  et concepteurs d’infrastructures routières. 

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