Voyage imaginaire à Ensisheim


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Le faubourg de Saint-Martin, à la sortie d’Ensisheim, était une véritable ruche.
Tous les chevaux et même les bœufs avaient été réquisitionnés pour rentrer la récolte de maïs.
Déjà certains tombereaux, là bas, en direction de Battenheim allumaient leur lanterne de suif, les ténèbres allongeaient leur ombre sur la plaine, alors que le massif, plus loin, était encore dans la lumière.
Avec tristesse, je songeais à la récolte de ces paysans démunis que des hommes d’argent vont acheter à bas prix pour faire monter les cours de l’écu.
J’entendais encore les fouets claquer et les chevaux hennir, alors que la brume montait des fossés où coassaient les grenouilles.
Je me disais qu’il fallait que je presse les pédales si je voulais rejoindre Mulhouse avant l’extinction des feux et la fermeture des portes.
Mes sabots me faisaient très mal aux pieds en dépit de l’Urgo-ix qui recouvraient mes gros orteils.
Les pavés étaient encore glissants à cause de ces maudits convois de grains qui répandent de la terre en surface et creusent les jointoiements jusqu’à Villingen.
Heureusement, j’avais pris soin de prendre mon tricycle à roues en cornouiller à jantes démontables. Le dernier cri du siècle finissant. Mon nouveau pédalier en bronze de Westphalie aurait fait baver d’envie beaucoup d’Audax !

Oui, oui, je sais, Tony allait trouver bizarre, ce matin que je ne sois pas là pour la balade à Huningue, mais il fallait absolument que je sorte cet après-midi dès la fin des infos du bourgmestre sur la place de la Réunion.
Ce salaud voulait nous foute un radar dans la rue des Franciscains !
Ma femme m’avait préparé un pain de seigle pour mon goûter et une petite fiole de vin d’Eguisheim pour  me désaltérer si, par mégarde, mon tricycle venait à peiner dans les côtes…
Oui, oui, je sais, les Audax ne vont pas être contents, mais en ce 7 novembre 1492, c’est un mercredi, j’avais obtenu d’être remplacé par mon copain Sigismond pour tenir l’octroi.
Il fallait donc bien que j’étrenne ce sacré tricycle que j’avais importé, à grands frais, de Bavière, là où les cornouillers sont de premier choix et très réputés pour leur tenue de route irréprochable dans les virages.
Après tout, Charles VIII s’en foutait que je fasse du déficit à la balance extérieure en achetant mon tricycle aux teutons : il préférait s’envoyer en l’air avec la belle Anne…je ne sais même pas si c’est pas si c’est lui le patron !
Depuis que Louis XI nous a foutu la pâtée en 1444, on se tient à carreau…

Donc, alors qu’enfin j’atteignais la bosse qui me mettait à une lieue du moulin d’Adolsheim, je songeais à cette belle balade d’automne à bord de mon tricycle, certes un peu grinçant, mais tellement moderne que tous les badauds, cerfs et journaliers, se retournaient sur mon passage…Rustenhart, Rouffach, Ensisheim, avec un peu de graisse de pied de bœuf dans les moyeux, j’aurais presque poussé jusqu’au faubourg de Colmar.

Franchement, pour une première sortie, je n’osais pas tenter le couvent de Saint-Marc !
Mais je me suis retenu, rien que pour faire mentir Tony.
En croisière, mon tricycle atteint 2500 toises à l’heure. Ce qui n’est pas rien, non !
Pour y parvenir, il faut bien caler ses pieds grâce à un Système Proprement Délirant (SPD) : on visse ses sabots sur les pédales.

Tout à coup, alors que mon cadran solaire indiquait péniblement 17h50 du fait de la faible clarté, une lueur étrange envahit le ciel au dessus de la ferme St-Jean…puis cette lumière devint éblouissante, tellement éblouissante qu’elle transforma la pénombre en une chaude journée d’été.
Dans un fracas assourdissant, une boule de feu jaillissante envahit les champs de froment situés devant la ferme St-Georges.
Affolées, toutes les bonnes âmes encore au labeur dans les champs  se réfugient dans les fossés, laissant  sur place âne et moutons.
Je me presse de passer mon chemin, tout en allumant mes feux de bengale, de crainte d’être mis en accusation  d’avoir provoqué ce séisme.
Alors qu’une bonne poule au pot m’attend à la maison, je songe à cette manifestation surnaturelle.
Qu’est- ce qui a bien pu nous tomber sur la tête ?
Le docteur Sébastien Brant s’est fendu d’un article dans l’Alsace pour faire plaisir à Maximilien d’Autriche, comme d’habitude.
Une météorite de 250 livres s’est abattue tout près de nous.

Vélomaxou, an de grâce 1492, le jeudi 8 novembre

PS : toute ressemblance avec la vérité est purement imaginaire, quoique ?…

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