Chronique du cycliste engagé


Les esprits s’échauffent dans la galaxie cycliste.

Nos vélos iraient ce matin de droite et de gauche comme s’ils avaient abusé hier des vendanges tardives .

En cause, une historiette sur le vélo parisien produite par un amuseur public  sur une antenne radio.

Trop d’honneur?

Peut-être…

Pourtant le phénomène est bien caractéristique d’une montée en puissance des affrontements (d’autres diraient des intolèrances) qui s’opèrent en France actuellement. Et pas seulement en France…

Sur certains sujets, le clivage est total.

Des sujets de fond pourtant.

Comme celui de nos choix de vie, du modèle économique du Pays, ses choix énergétiques et ses choix sur la façon de se déplacer.

Mais plus insidieuse est la question de notre expression démocratique et de la façon où elle est plus ou moins relayée par les tenants de l’orthodoxie.

Le vélo, on le devine, est une préoccupation mineure de nos gouvernants: en quoi pourrait-il d’une quelconque manière influer sur le redressement de notre situation? sur la relance indispensable de notre consommation? sur l’amélioration de nos exportations? de nos finances publiques?

Autant de préoccupations qui suffisent à couvrir l’ensemble du spectre du libéralisme sans remettre en question notre modèle dominant à bout de souffle.

Souvenons-nous: Christine Lagarde (Ministre de l’Economie d’alors) s’était aventurée dans un registre délicat en 2007 en déclarant que si l’essence était trop chère, on pouvait rouler à vélo…avec le résultat de la classe politique qui s’en est ensuivi…

Or, bien avant Christine Lagarde, le Général Giap lors de la guerre d’Indochine en 1954 déclarait avoir « ouvert des pistes, mobilisé 260 000 porteurs – nos pieds sont en fer, disaient-ils – des milliers utilisant des vélos fabriqués à Saint-Étienne que nous avions bricolés pour pouvoir porter des charges de 250 kg «  bien au-delà de ses bases, contribuant à la défaite de la France (source wikipedia)

Le climat pré-vélorutionnaire des forums

Sur les forums vélos, les modos s’affolent sous l’effet des ruades des crypto-cyclos qui tentent d’imprimer leurs marques …le ciseau est en marche, découpant, redécoupant les contours flous d’une cyclosphère capable de faire bonne figure, pas trop people, pas trop gaucho-facho, dans le marasme républicain.

Le mot d’ordre est : pas de vagues, restons unis, pas de mots qui fâchent, alors que le clivage est total.

Comment réunir une famille d’adeptes aussi disparates que des cyclistes « du dimanche » bariolés, des vététistes au turbo survitaminés, des taffeurs patentés et des cyclo-randonneurs perdus dans les brumes ardéchoises?

Dans cette belle unanimité pro-vélo que tentent certains, le résultat est là: le vélo en ville, enjeu majeur de notre devenir, « piétine » à 3%, les municipalités font des ponts d’or à la bagnole pour qu’elles s’infiltrent encore mieux au cœur à grands renforts de rocades et de parkings des villes et les cyclistes militants servent de faire-valoir aux déclarations de bonnes intentions comme lors des dernières Rencontres du Vélo.

Contenir la contestation cycliste

On est parfois tentés de se demander si les associations elles-mêmes ne se rendent pas complices de ceux qui imaginent nous diriger vers des trajectoires et des itinéraires spécialisés en ville? Une façon de mieux avoir le champ libre pour le tout voiture?

La piste cyclable n’est-elle pas une solution par défaut? Une façon d’exclure la problématique cycliste en ville et sur la route pour mieux consacrer l’universalisme automobile?

J’avais déjà dans le passé émis l’idée que finalement reléguer le vélo sur les trottoirs, c’était d’une certaine manière enlever ses lettres de noblesse au vélo en tant que moyen efficace de déplacement, en piétonnisant le cycliste; en somme, nos élus pratiqueraient, sans le dire, une démocratie d’acceptation qui ne mènerait jamais à rendre sa compétitivité au vélo (vélo vient de véloce qui veut dire vitesse).

Or, le vélo répond aux crises économiques structurelles du capitalisme, en particulier la crise de la dette, en proposant une économie relocalisée, à échelle humaine, une « économie économe » qui privilégie le « mieux vivre » plutôt que le « consommer plus » (Marcel Robert)

Le parti du vélo, lui a pris ses marques.

Avec raison.

Laisser un commentaire