Les blogueurs et le droit de dénigrement


Écrire que son vélo acheté la veille chez OK sport est de la merde peut vous attirer des ennuis judiciaires.

C’est un exemple de dénigrement sans nuance qui peut vous conduire au tribunal si vous l’écrivez sur le net.

Un billet de maître Eolas ce matin intitulé « Les mots à éviter au Cap Ferret »

vient éclairer les blogueurs sur le risque de dénigrement.

Maître Eolas, c’est notre maître à tous, nous les blogueurs.

Ce n’est pas parce qu’on est réfugié derrière son écran qu’on peut dire du mal de n’importe qui à propos de n’importe quoi.

Dès lors qu’on commence à avoir une certaine audience, il faut se méfier de ce qu’on écrit.

On sait déjà qu’un blogueur est responsable devant la loi s’il profère des insultes ou diffame un quidam et cela pendant trois mois après la parution de l’article.

C’est pourquoi, mieux vaut tourner sept fois ses doigts autour du clavier avant de produire un billet ou une chronique de mauvaise humeur.

Par exemple, si je dis que mon vélociste est un con doublé d’un traitre à la patrie, je suis coupable d’insulte et de diffamation, combien même j’aurais raison, et je m’expose à des poursuites si une plainte est déposée dans les trois mois.

Mais voici que les juges viennent de rendre une décision nouvelle à l’égard d’une blogueuse accusée de dénigrement sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil.

Je résume.

Cette blogueuse va diner dans un restaurant en vue où elle est très mal servie.

Le lendemain, elle publie un article borderline sur son blog pour dire tout le mal qu’elle pense de ce restaurant.

En somme une sorte de vengeance par net interposé.

Oui, quand on écrit qu’un endroit est à éviter, c’est généralement pour que ceux qui nous lisent évitent l’endroit en question, note Maître Eolas.

Le site en question s’appelle Cultur’elle. Un site bien coté sur le net, 96eme au classement général de Wikio (quand vélomaxou figure au… 1749eme rang).

Le problème aurait pu en rester là si l’article litigieux n’avait pas eu pour conséquence de s’afficher en première page du moteur de recherche Google un an plus tard dès lors qu’on lance une requête sur le nom du restaurant en question.

Aussitôt, le restaurateur en tire prétexte pour expliquer une chute vertigineuse de sa clientèle et attaque le blogueur en référé pour dénigrement de son service.

(Notez bien que je n’ai pas dit « dénigrement de sa camelote »).

Le dénigrement, contrairement à l’insulte ou à la diffamation, peut être poursuivi pendant 5 ans après la publication des faits ce qui fait dire à Maître Eolas:  « curieusement, il est devenu bien plus facile d’attaquer la critique d’un produit que d’une personne, car les règles protectrices du droit de la presse, applicables à l’injure et à la diffamation et à l’injure, notamment la prescription de 3 mois, ne s’appliquent pas au dénigrement, qui peut être poursuivi pendant 5 ans après les faits. »

Le référé, c’est pratique, car le juge condamne non pas sur le fond, il ne va pas chercher à savoir si la pizza était mal cuite ou le vin tiède, il demande à faire  cesser un trouble manifestement illicite sur le champ et condamne à payer à la société gérant le restaurant une provision sur dommages-intérêts de 1 500 euros (ce qui fait 375 euros le mot) outre 1 000 euros au titre du remboursement des frais d’avocat. Ce n’est pas tout : l’Irrégulière (NDLR, pseudo de la blogueuse) doit encore, et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard, faire disparaître ces mots de Google, mais seulement Google.

Et sur le fond?

Sur le fond, on n’en saura peut-être jamais rien puisque le requérant a eu gain de cause et que le billettiste n’a certainement pas l’envergure de se pourvoir jusqu’en cassation.

Mais comme le note Maître Eolas, « l’histoire aurait donc pu en rester là. C’était sans compter sur la (vive) réaction des internautes, qui ont pris parti, en grande majorité, pour la blogueuse et non pour le restaurant qui s’estimait lésé. »

Pour les amateurs de droit lire l’article de Maître Eolas

 

 

 

 

Une réflexion sur « Les blogueurs et le droit de dénigrement »

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