
Aujourd’hui, jour de mon anniversaire, ophtalmo. Eh oui! on ne choisit pas sa date, l’offre de soins est tellement rare…
Ce qui devrait être un simple examen de routine se transforme pour moi en découverte d’un monde hospitalier qui se barre en quenouille. Exactement comme on le voit chaque jour sur BFM ou LCI avec le Covid.
Avec mon vélo, j’arrive devant l’accueil du centre hospitalier. Un grand panneau « consultations ophtalmologie » m’invite à tourner à gauche. Je gare mon vélo.
Au fond d’un couloir étroit, j’entends papoter et un bruit de vaisselle. Salle d’attente 1: trois personnes. Je prends la salle d’attente 2, mon masque sur le nez. Et j’attends. Je n’ai pas vu le flacon de gel hydro-alcoolique. Peut-être existait-il, je ne sais pas.
Au bout de quelques minutes la porte du secrétariat s’ouvre et le public défile, nom, prénom, âge, adresse, pathologies,…
Et vous aussi madame, vous avez du diabète?…
En terme de confidentialité, ce n’est pas top, d’autant que la porte reste grande ouverte.
Je suis interpellé: « vous avez rendez-vous? »
Je regarde autour de moi…oui c’est bien à moi qu’on s’adresse.
Je m’installe…
nom, prénom, adresse, date de naissance,médecin traitant
vous n’avez pas de médecin traitant? alors ça va être plus cher!
Je suis confus.
Installez-vous dans l’autre fauteuil!
Je ne sais pas non plus si le fauteuil a été nettoyé, si celui que je quitte le sera, et si l’appareil sur lequel on appose son front et son menton l’a été lui aussi.
La secrétaire met la machine en marche et run!…
fixez bien la maison au fond de l’écran…et attendez le pschitt!…
pendant ce temps là le patient suivant s’installe à coté de moi (à moins d’un mètre et en plein confinement) et le questionnaire d’identité se remet à défiler…
puis on m’abandonne dans un bureau, assis sur un fauteuil les pieds en l’air à 10 cm du sol et j’attends….
j’ai de la lecture, l’écran de l’ordi à ma gauche affiche la liste des patients
- mr X, appeler maman
- mme Y, neuro+++
- mr Z, angio
- …
La jeune ophtalmo arrive. Elle monte le thermostat du radiateur électrique. Moi je n’ai pas froid engoncé dans mon parka. Elle doit penser en plus que je suis sourd, car elle me gueule dessus parce que je ne dois pas glisser mes doigts ENTRE mes lunettes et l’œil pour le test de lecture mais SUR la lunette.
Je n’arrive pas à lire correctement la petite ligne de l’œil gauche, est- ce un G ou un O? je fais observer que j’ai de la buée sur mes lunettes du fait du masque. Trop tard!
vous avez 8/10e, vous voulez changer de lunettes?
non merci
Puis je suis à nouveau dirigé vers le secrétariat qui va vous donner deux rendez-vous prochains (sic)
- le 12 novembre à M…..
- le 4 décembre à T…..
J’ai le choix?
non! c’est les deux ou rien
maintenant, vous allez ressortir et allez payer bureau de droite à coté de l’accueil
je fais le parcours fléché Covid du couloir, et j’aboutis… dehors. Au deuxième tour, j’ai eu bon.
Neuf euros!
Ah non , nous n’avons pas le sans contact
En une demi-heure, la machine administrative a réussi à produire
- une ordonnance
- une quittance de 9 euros dont le coût de production compte au moins pour moitié
- deux rendez-vous format A4
Mon Dieu, faites que je ne sois pas admis en réa! me dis-je
J’ai peur de cet univers carcéral et déshumanisé avec ses automates qui brassent nos comorbidités par dizaines.
J’ai sauté sur mon vélo qui s’inquiétait et j’ai fui au plus vite à travers les rues de la ville.
Notez bien que je n’ai rien contre ce personnel qui pense bien faire puisqu’on ne lui a pas appris sa véritable raison d’être et ce que sont les termes discrétion, confidentialité, amabilité, empathie, compréhension, attention,…et peut-être encore moins les gestes-barrières en période Covid et les risques auxquels ils exposent leurs patients et eux-mêmes.
Bref on a droit au service minimum et si avec ça vous n’êtes pas content, allez vous faire foutre.
J’ai en souvenir cette anecdote: mon père mourant devant lui-même se hisser sur la table de radiologie et qui était tombé. Je n’en suis pas encore là mais je m’interroge pour savoir où commence la maltraitance en ces temps où l’on reparle de droit à mourir dans la dignité.