
Le grand âge est en question dans l’actualité avec le groupe Orpéa montré du doigt pour ses pratiques de gestion jugées peu humaines.
On n’échappe pas à la catégorisation du grand âge: Le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans s’élève aujourd’hui à 1.4 million. L’espérance de vie augmentant chaque année, en 2060, ils seront 5 millions.
Nos vieux, nos vieilles pourrait-on dire car elles sont plus résistantes au temps, sont un vrai problème des sociétés dites modernes. On ne sait plus comment s’en occuper autrement qu’en les confinant (un terme à la mode) dans des espaces dédiés et souvent barricadés où l’on ne sait pas trop ce qui s’y passe.
Moi je sais un peu.
L’Ehpad, quel vilain acronyme!, désigne ce qu’on appelait autrefois la maison de retraite. La dépendance a toujours existé chez les personnes de grand âge, plus ou moins. Mais la dépendance, on aimerait la taire et la cacher car ce n’est pas beau pour celui qui est libre de ses moyens intellectuels et physiques de découvrir qu’un jour il sera peut-être atteint lui aussi et entre les mains de tiers.
Entre les mains, c’est la bonne expression pour dire que de jour comme de nuit il faudra peut-être une aide pour tout. Et dans pour tout il y a évidemment et surtout le plus intime de la personne.
Les personnels des Ehpad craquent à tour de rôle car le grand âge exige savoir et savoir-faire tout en maintenant une humanité naturelle et bienveillante à l’égard de celui ou de celle qui petit à petit perd le sens de la vie.
Cette perspective d’être pensionnaire à deux pas de chez moi à l’Ehpad des Trois Sapins du groupe Korian (l’autre grand nom du marché des vieux) m’effraie car j’y ai mené une animation pendant quelques mois qui m’a permis d’en connaître une part du quotidien.
La déchéance profonde y côtoie une certaine autonomie. Être plongé dans cet univers n’aboutit-il pas in fine à précipiter les « encore valides » vers l’abîme?
Ce qui est encore plus effrayant, c’est de voir ces personnels exploités à marche forcée accomplir des actes qui perdent leur humanité lorsqu’ils sont bâclés.
Des grabataires qui restent des heures sans change, avec des escarres qui prospèrent scandaleusement, des pensionnaires en salle commune qui s’endorment devant leur petit-déjeuner et qu’un infirmier de passage tente de réveiller pour lui enfourner une cuillère à soupe médicamenteuse, …
Notre société est-elle prête à repenser le sort de nos aînés? à y apporter l’humanité indispensable? à renforcer l’aptitude et le nombre des personnels et leurs rétributions? à contrôler étroitement ceux qui financiarisent la filière? Le montant du prix de l’hébergement est fixé par le conseil départemental pour les établissements habilités à l’aide sociale et par le gestionnaire pour les EHPAD privés (25% du secteur).
Il y avait un Président qui aimait désigner les premiers de cordée jusqu’au jour où il s’est aperçu que c’était les seconds, voire les troisièmes…et même les derniers qui faisaient tourner « la machine » lorsque la France s’est mise à trébucher avec la Covid.
La France rurale ne disposait pas de toute cette organisation autour du grand-âge. On mourrait chez soi ou chez son fils ou chez sa fille. Lorsqu’on n’avait plus la force de contribuer à la vie de la ferme, on restait devant le feu à l’âtre à surveiller la soupe ou le lait…et parfois, en remettant une bûche, on sombrait dans le bûcher.
La vie de vieux est une épreuve. Souvent la dernière.
En relation…